Butoh : la danse japonaise des enfers

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Qu'est-ce que le butoh ? Le butoh est une danse japonaise ou les artistes sont recouverts d'une peinture corporelle blanche de la tête aux pieds. Les danseurs utilisent des contorsions corporelles lentes et arythmiques exprimant un sentiment d'angoisse et de plaisir.

C'est une forme d'expression basée sur l'improvisation et la nature profonde de l'être. Le butoh est peut-être l'un des projets artistiques les plus étranges du Japon. Et certainement l'un des plus difficiles à définir. Cette danse est née dans le Japon de l'après-guerre. C'est une danse avant-gardiste qui allait à l'encontre des courants dominants dans le domaine des arts japonais du spectacle.

Cependant le butoh est aujourd'hui connu et pratiqué dans le monde entier.

Vous allez découvrir dans cet article, l'origine de cet art nippon et ses spécificités le rendant unique en son genre.

D'où vient la danse butoh ?

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À la fin des années 1950 et au début des années 1960, alors que le Japon se sortait lentement des décombres de la Seconde Guerre mondiale, le chorégraphe Tatsumi Hijikata et le célèbre danseur Kazuo Ohno ont commencé à s'interroger sur la nature de la danse.

À cette époque de bouleversements sociaux, les deux artistes pensaient que le Japon était subjugué par un siècle d'imitation de l'Occident. Ils ont alors développé ce nouveau style comme un moyen de réaffirmer le sentiment d'identité du Japon à travers l'art. 

Au départ, Hijikata l'a appelé ankoku buyoh, ce qui signifie "danse des ténèbres", avant de choisir le terme plus prosaïque et plus facile à prononcer de butoh. C'est un mot désuet faisant référence aux danses de salon européennes. Pour se distinguer des thèmes de danse occidentaux et modernes auxquels Hijikata et Ohno tentaient de créer un antidote, le butoh s'est concentré sur l'expression du corps japonais.

Aussi abstrait que cela puisse paraître, les expressions et les mouvements employés par les danseurs devaient refléter :

  • l'homme du peuple japonais traditionnel
  • son lien intrinsèque avec la nature
  • les mouvements d'une personne habituée à dormir sur des futons
  • l'assise en style seiza sur des tatamis
  • les prières dans des sanctuaires et des autels
  • le travail dans des champs

Le butoh a également commencé à se concentrer sur les thèmes du grotesque, de l'obscurité et de la lutte, ainsi que sur les sujets tabous. Le tout premier spectacle de butoh, "Kinjiki" (Couleurs interdites) en 1959, abordait l'homosexualité...

La collaboration avec Ohno, considéré comme "l'âme du butoh", a contribué à mettre leur nouveau style sur la carte du monde. Il a remporté le prestigieux prix du Cercle des critiques de danse du Japon en 1977 pour son interprétation en solo de La Argentina Sho. Il s'est produit en butoh dans toute l'Europe et en Amérique du Nord au cours des décennies suivantes. Il reste à ce jour le plus célèbre de tous les danseurs de butoh, plus de 10 ans après sa mort à l'âge avancé de 103 ans.

Quels sont les éléments clés d'un spectacle de butoh ? 

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Le butoh est un style de danse inclassable, mais cela ne signifie pas qu'il n'est pas possible de comprendre et apprendre cette danse. Dans un spectacle de Butoh, les danseurs se déplacent lentement de manière chorégraphique mais comme des mort-vivants japonais. Ils sont maquillés avec des peintures corporelles blanches et les hommes se rasent parfois le crâne. Il y a une musique de fond pour créer une ambiance et diriger la scène. Les mouvements expriment des émotions brutes propageants un sentiment de malaise palpable  dans le public.

Le butoh est une représentation théâtrale dépourvue de dialogue accessible à tous les publics, quelle que soit leur connaissance du japonais.

La peinture blanche, et/ou les vêtements blancs, associés au butoh sont censés refléter une pureté enfantine chez les interprètes, éliminant ainsi tous les préjugés potentiels sur le ou les danseurs. Initialement, Hijikata avait peu d'argent pour les costumes et maquillages Butoh alors la peinture blanche ou le gofun (craie) était un moyen économique de se déguiser. 

La vitesse et la forme des mouvements sont essentiels dans le butoh. Contrairement aux chorégraphies occidentales, où chaque séquence de danse est travaillée et synchronisée avec les musiques, le butoh est axé sur le toucher, la sensation et l'expression d'un sentiment spécifique. 

Si vous vous intéressez aux arts du spectacle japonais, n'oubliez pas de consulter notre article sur le théâtre japonais (théâtre Nô, Théâtre Kabuki et le bunraku) !

Quels sont les thèmes et les histoires utilisés au butoh ?

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Le thème de l'obscurité et du désir sont omniprésents, mais le butoh se concentre également sur la transformation. Les spectacles donnent souvent l'impression qu'une personne est en train de naître, de devenir quelque chose de nouveau ou de subir une évolution douloureuse. Ainsi, les danseurs de butoh commencent souvent leur numéro en position fœtale ou prostrée avant de se relever et de contorsionner leur corps pour adopter des positions plus larges ou plus droites.

Bien sûr, toutes les formes d'expressionnisme racontent une histoire, mais tout comme l'art lui-même, les histoires du butoh ne sont pas faciles à définir. L'aspect le plus important du butoh se base sur les mouvements de l'interprète japonais. Ils symbolisent généralement la mélancolie. Le butoh consiste à faire appel à des émotions inexplorées dans la vie quotidienne de la plupart des gens, et pour qu'une danse soit réussie, elle doit transmettre cette émotion à ceux qui la vivent et la contemplent. 

Qui sont les plus célèbres interprètes de butoh ?

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Ohno et Hijikata, les pères fondateurs du butoh, restent les deux noms les plus célèbres. Hijikata est mort prématurément d'une insuffisance hépatique en 1986. Il n'avait que 57 ans. Ohno, quant à lui, s'est produit jusqu'en 2007, agé alors de 100 ans. Les interprètes de butoh les plus acclamés aujourd'hui doivent leur lignée à ces artisans japonais pionniers dans leur domaine.

Tadashi Endo, qui réside en Allemagne, se produit et dirige le butoh dans toute l'Europe et dans le reste du monde. Élève de Kazuo Ohno, Endo a joué un rôle essentiel dans la diffusion de l'évangile du butoh au-delà du Japon. 

Jay Hirabayashi est né à Seattle, mais est un citoyen du monde dans tous les sens du terme, ayant passé son enfance à Beyrouth, au Caire et à Edmonton, au Canada. Jay Hirabayashi a chorégraphié plus de cent œuvres de danse inspirées du butoh, a donné plus de mille représentations dans le monde entier et enseigne le butoh depuis 1995. Il supervise également la troupe de butoh Kokoro Dance, qu'il a formée avec sa femme en 1986, et le Festival international de danse de Vancouver, qui a lieu chaque année.

Le groupe Sankai Juku qui signifie se compose d' artistes de butoh classiques et contemporains : un groupe de danseurs maigres au crâne rasé, qui s'habillent de peinture corporelle blanche. Cette troupe a vu le jour au Japon dans les années 1970 sous la tutelle du chorégraphe visionnaire Ushio Amagatsu. Son objectif était d'être le fer de lance d'un style butoh de "deuxième génération", qui met l'accent sur la lutte des danseurs contre la gravité. Sankai Juku se produit également dans le monde entier. 

Où voir le butoh au Japon et ailleurs ?

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Les spectacles de butoh se déroulent parfois dans les rues du Japon, dans ce que l'on pourrait appeler une "tactique de guérilla".Le seul théâtre de butoh dédié au Japon est le Butoh-kan de Kyoto, mais il existe des théâtres, des musées et  des festivals qui organisent des représentations occasionnelles. 

On pense notamment au festival de Tokyo, du Studio Terpsichore à Tokyo, du Tokyo Real Underground Festival et du Tokyo Teien Art Museum. Les sites Web des troupes Dairakudakan et Sankai Juku sont également de bonnes sources d'information pour suivre les spectacles de butoh au Japon.

Au-delà du Japon, la Kokoro Dance et la World Mime Organization, déjà mentionnées, organisent des spectacles dans le monde entier. 


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